Arcs et arbalètes traversent l’imaginaire lié au Moyen Âge, comme en témoignent leurs représentations dans les enluminures ou sur les bas reliefs. Les chevaliers paysans de Colletière en avaient l’usage, laissant nombre de projectiles sur le site. Fers de flèches, carreaux d’arbalète voire balles de fronde racontent aussi le mode de vie de l’An Mil.

Ils attirent immanquablement l’intérêt des jeunes visiteurs du Malp. Comment de pas être fasciné par ces armes à la fois simples, astucieuses et redoutables ? A contempler les arcs et arbalètes enfouis dans le lac de Paladru durant un millénaire, on imagine sans peine les gestes familiers de paysans à la fois chasseurs et soldats. La flèche qu’on ajuste sur l’arc avant de tendre la corde, le carreau qu’on glisse dans la rainure de l’arbalète, le doigt sur la gâchette prêt à décocher le trait. À la croisée entre les jeux de l’enfance et le travail des archéologues, ces vedettes du musée n’en finissent pas de nourrir les imaginaires depuis des siècles.

Une armurerie locale

Pointes de flèches et carreaux d’arbalète en fer ont été trouvés en nombre sur le site médiéval de Colletière, de même que les armes auxquels ils servaient de projectiles. Un armement typique de son époque – mais utilisé depuis fort longtemps déjà. Deux sortes d’arbalète ont été découvertes dans le lac de Paladru, dont une, avec une détente en bois dite en « bec d’oiseau », est un cas unique en archéologie médiévale.
Ingénieuse, l’arbalète peut, une fois l’arc tendu, rester armée sans effort jusqu’au moment de
décocher le carreau. Le jet est aussi plus rapide qu’avec l’arc simple.

Les forgerons du site ont fabriqué sur place les pointes de flèches ainsi que les carreaux
d’arbalète de forme pyramidale. Certains sont torsadés, probablement pour faciliter la fixation
d’étoupe imprégnée d’un combustible, expliquent les archéologues. Il s’agit sans doute de fers
incendiaires.

Des armes de chasse…

Pour les habitants de Colletière, arcs et arbalètes servent à chasser sur les rives du lac et dans les forêts alentour. De petits carreaux servent au petit gibier. Selon l’archéologue Michel Colardelle, certains traits d’arbalète dont le carreau en fer est remplacé par un cône de bois plus épais, permettent d’assommer les oiseaux sans en abîmer la chair. L’arc permet aussi d’utiliser ces
« flèches massues », ou « massettes », encore nommées « bougons » au Moyen Âge, capables d’assommer même des lapins.
Un autre type de projectile utilisé pour la chasse a aussi été découvert dans le lac de Paladru :
la balle de fronde. Sorte de sphère aplatie, en quartzite ou en calcaire, taillée de façon très régulière, elle devait être redoutable pour qui savait la manier. La tapisserie de Bayeux en donne d’ailleurs une idée, avec son chasseur d’oiseaux à la fronde.

… et de guerre

Beaucoup de projectiles de l’habitat fortifié de Colletière ont été trouvés dans la zone où se dressait une sorte de passerelle escamotable, comme un pont-levis rudimentaire, permettant de retrancher le site derrière sa palissade si nécessaire. La présence de traits incendiaires parmi les carreaux d’arbalète trouvés semble attester d’un usage militaire de ces armes de jet.
Paysans et guerriers, les habitants occupent un site pour le compte d’un commanditaire, avec mission de le conserver, sur un territoire de frontières. Les flèches de leurs arcs et les carreaux
de leurs arbalètes ont aussi vocation au combat.